Quand Richard Peter a pris sa retraite du basketball en fauteuil roulant après avoir remporté la médaille d’or lors des Jeux paralympiques de 2012 à Londres, il était âgé de 40 ans et jamais il n’aurait pensé continuer à faire du sport d’élite sur la scène internationale.
Cinq ans plus tard, il est de retour sur le terrain, sauf que cette fois, c’est d’un terrain de badminton dont il s’agit.
Avant de grimper les rangs en parabadminton, Peter a porté l’uniforme de l’équipe canadienne de basketball en fauteuil roulant à cinq éditions des Jeux paralympiques avec qui il a récolté trois médailles d’or et une d’argent. Il ne s’est pas tenu à l’écart du podium longtemps. En 2017, il remportait le championnat canadien de parabadminton et en 2019, il gagnait une médaille de bronze en double aux Jeux parapanaméricains de 2019 à Lima au Pérou.
Peter n’est pas une exception : il fait partie du nombre grandissant d’athlètes qui trouvent succès et satisfaction dans plus d’un parasport. Les organismes parasportifs en tirent eux aussi des bénéfices. Un athlète comme lui est fort d’une panoplie de compétences et d’une grande expérience qui vaut bien plus qu’un potentiel de performance. Ceci fait de lui un précieux mentor pour les athlètes moins expérimentés. Avec son bagage de connaissances, il aide les entraîneurs et entraîneuses à perfectionner leur technique et à innover. En définitive, c’est tout le système parasportif canadien qui en profite.
Un ou une para-athlète qui choisit de s’adonner à un nouveau sport ou d’en pratiquer un deuxième, ou encore, qui est forcé d’arrêter s’engage dans un « transfert d’athlète ». Ceci n’a rien à voir avec le niveau ou le potentiel du « talent » ou les « aptitudes » d’un athlète. C’est plutôt l’athlète en tant que personne dont il est question,et en particulier sa faculté d’agir, sa voix et ce qui lui convient le mieux.
C’est l’opinion du groupe de travail sur le transfert des athlètes paralympiques (TAP), un collectif d’athlètes, d’entraîneurs et de leadeurs qui cherche à guider le développement et la mise en place d’un cadre et d’un système national. Le groupe de travail a vu le jour quand le Comité paralympique canadien, À nous le podium et des chercheurs de l’Université York se sont associés pour sonder la communauté parasportive sur le transfert des athlètes. 48 athlètes, entraîneurs et directeurs haute performance de 16 sports ont participé à des entretiens, et il en est ressorti qu’un processus officiel était nécessaire pour assurer le bien-être des athlètes et établir une culture de soutien.
Dans le système parasportif canadien, les transferts et la pratique de deux sports ne sont pas nouveaux. Par contre, le système est en constante évolution. Le bien-être et le sport sécuritaire sont aujourd’hui au cœur des priorités, et un système de TAP en bonne et due forme permet une plus grande redevabilité et un meilleur soutien des athlètes pour qui il n’y a généralement pas de parcours prédéfini pour passer d’un sport à un autre.
Le groupe de travail est chapeauté par le Comité paralympique canadien, mais il en reste indépendant. Il s’appuie plutôt sur les diverses voix présentes dans le système parasportif canadien. Dans la foulée du changement de culture qui privilégie une approche holistique et humaine, le groupe de travail agit comme une plateforme où les athlètes parasportifs, les entraîneurs et les leadeurs sportifs peuvent échanger leur expérience et leur point de vue sur le sujet.
Par exemple, même si les premiers entretiens ont servi de tremplin au développement d’un système et d’un cadre structurant de TAP, le groupe de travail a déterminé qu’il est nécessaire d’obtenir un plus grand apport des athlètes. Il s’est donc associé à un chercheur en parasport de l’Université de l’Alberta pour la conception d’un sondage anonyme. Une trentaine d’athlètes y ont répondu en décrivant en détail leur expérience de passage d’un sport à un autre, d’entraînement et de compétition dans plus d’un sport, et du système parasportif dans son ensemble.
Les réponses des athlètes mettent en lumière l’importance d’avoir des coéquipiers, des entraîneurs et des organismes nationaux de sport qui appuient la démarche. Certains ont mentionné avoir subi de la pression pour prendre des décisions sans avoir toutes les informations nécessaires ou un soutien adéquat.
Les recherches montrent que les athlètes changent de sport pour une foule allant d’une absence de plaisir à un manque de ressources en passant par un changement dans la classification. À l’opposé, les athlètes qui reçoivent une aide financière pour payer leurs dépenses quotidiennes et leur entraînement se sentent parfois obligés de rester dans un sport, même quand l’environnement n’est pas optimal (par exemple, en cas de burnout ou de relations toxiques avec le personnel d’entraînement ou certains coéquipiers).
Les organismes nationaux de sport et les entraîneurs et entraîneuses de haute performance sont évidemment très préoccupés par la santé et la performance de leur équipe, mais retenir une personne à qui l’environnement ne convient pas ou qui a envie d’essayer quelque chose de nouveau peut perturber les résultats et corollairement, avoir des effets négatifs sur le reste de l’équipe ou même de l’ONS.
L’objectif du groupe de travail est de changer la perception des changements de sport : l’intérêt des athlètes passe en premier si on veut bâtir un système sportif paralympique sain et durable au Canada.
Une approche centrée sur l’athlète et les bénéfices pour athlètes alimentent la passion de Mike Whitehead et son travail au sein du groupe de travail. Le quintuple paralympien avec l’équipe de rugby en fauteuil roulant et membre du conseil des athlètes du CPC parle d’expérience parce qu’il a toujours pratiqué plusieurs sports. « C’est fantastique pour l’entraînement croisé et la musculation. Émotionnellement, ça me donnait la possibilité de jouer pour le plaisir parce que des fois, on a juste envie de s’amuser. » Pour lui, la conversation sur le transfert est une façon de contribuer à créer des environnements positifs et sécuritaires où les athlètes ont les moyens pour explorer leurs pleines capacités.
Le groupe de travail inaugure donc une série de témoignages qui raconte le vécu d’athlètes qui ont effectué un transfert. On y apprend comment les transferts peuvent non seulement bénéficier aux athlètes, mais aussi aux entraîneurs, aux organismes sportifs et au système sportif dans son ensemble. Il y aura également de bonnes pratiques pour favoriser une expérience positive que les athlètes, les entraîneurs et le personnel à tous les échelons du sport peuvent appliquer dans leur travail.
Les témoignages seront publiés toutes chaque semaine sur les différentes plateformes du Centre de documentation pour le sport. Le premier témoignage sera publié le 19 novembre.
Les objectifs du groupe de travail sont alignés avec ceux de la stratégie canadienne du sport de haut niveau qui est de « [soutenir] de manière holistique ses athlètes tout au long de leur carrière sportive de haut niveau tout en conservant et en augmentant son bassin d’athlètes au potentiel de médaille. » Pour ce faire, le Canada doit se doter d’un système de transfert fondé sur des faits et centré sur l’athlète spécialement conçu pour les para-athlètes.
Pour les athlètes comme Richard Peter, la possibilité de mener une carrière en sport haute performance dans plus d’un sport n’a rien à voir avec le podium. Même s’il n’exclut pas d’essayer de qualifier l’équipe canadienne de parabadminton pour les Jeux paralympiques de 2024 à Paris, c’est surtout le plaisir de faire du sport qui l’occupe.
« J’aime faire du sport et j’y prends beaucoup de plaisir. Pour le reste, j’essaie de faire de mon mieux », a-t-il confié à CBC.
Si vous avez un témoignage à partager, ou pour en savoir plus sur les transferts d’athlètes paralympiques, communiquez avec Jenny Davey à l’adresse JDavey@paralympic.ca.